Pendant les dernières années de ma vie, l’aquarelle était mon médium préféré. Mais depuis quelques temps, peut-être suite aux changements (matériels et immatériels) que j’ai dû vivre – dont une année passée enfermée et isolée au milieu d’une pandémie dans un pays étranger – j’ai ressenti le besoin d’expérimenter d’autres moyens d’expression. Un jour, je me suis acheté une tablette et j’ai (re)découvert dans l’art numérique un moyen plus pratique et plus portable de créer des images, en plus de faire des économies à long term. J’ai découvert surtout un endroit sûr où je pouvais faire des erreurs autant de fois que nécessaire, sans me sentir compromise par le processus.
Il semble que je désavoue ainsi tout ce que j’ai dit à mes étudiants. J’ai toujours été plus favorable à l’aventure, celle qui se jette dans l’obscurité, qui ferme derrière elle les portes des endroits où je n’ai plus ma place, sans aucune certitude quant au lendemain. Mais après avoir beaucoup erré, après avoir dû gérer seule ce chemin pas si facile que ça que j’ai choisi, je ressens enfin le besoin de me reposer, de me recueillir, de créer des liens et d’avoir un point de chute. Je sens que je n’ai plus besoin de prendre de risques.
D’une manière inexplicable, je trouve que mon art d’aujourd’hui reflète cette aspiration à la sécurité et à la stabilité. Tout comme je me suis lassée d’errer, entre les lieux, les gens et les emplois, je me suis également lassée de me déployer pour contourner la nature de l’eau. L’aquarelle est comme une danse qui, pour être réussie, doit être pratiquée à deux. Il faut assimiler la physique du monde et s’y fondre, induisant ainsi des formes, des couleurs, des bords et des détails. C’est aussi l’art de la patience : il faut attendre que le papier sèche et reprenne sa forme plane avant d’ajouter une nouvelle couche. Comme vous le voyez, c’est une danse qui ne se fait pas en décalage, mais en alignement.
L’aquarelle, comme toutes les techniques, a beaucoup à nous apprendre. Et il est certain qu’un jour je reviendrai à cette pratique qui a été si importante pour moi et qui m’a ouvert à tant d’expériences incroyables, consignées ici. Mais à ce moment il me faut du confort, afin de rester libre et honnête avec moi-même et mon processus créatif.